Je me régale bien en ce début d’année. Par pure coïncidence, après Tounghan de Mahoua S. Bakayoko, ma deuxième lecture de l’année traite
encore d’immigration clandestine. Il s’agit de « Celles qui
attendent » de Fatou Diome.
Quel délice ! C’est le premier livre de Fatou Diome que
je lis et sincèrement, je l’ai adoré.
Je suis certain qu’il fera partie des
livres qui m’auront marqué en cette année tellement j’ai été touché par le
style de l’auteur et les thèmes qu’elle aborde. Je n’ai jamais lu une écriture
aussi propre, concise et exquise. Riche en proverbes et en images, le texte de
Fatou Diome dans « Celles qui attendent » facilite la compréhension
de la pensée de l’auteur ainsi que celles des personnages et pousse le lecteur
à la réflexion.
Comme je le disais tantôt, dans ce roman, il est question d’immigration
clandestine avec en fond, les problèmes qu’engendre la polygamie, le mariage
forcé et la jalousie.
De quoi s'agit-il?
Dans un village de pécheurs en banlieue Dakaroise, la vie de
Bougnan et Arame ressemble à celle de toutes ces mamans qui luttent pour
faire vivre leur foyer et soutenir leurs enfants quand les maris ne sont plus
en mesure de jouer leur rôle de chef. Et lorsque, triturées par la misère, et
espérant une vie meilleure, ces femmes décident de sortir de l’état d’indigence
qui les caractérise, le choix est vite fait : pousser leurs enfants, Issa
et Lamine, à l’aventure européenne. Douteuse au départ à cause des risques
liés à cette entreprise de voyage dans un monde lointain et inconnu, Arame finira par se laisser
convaincre par sa meilleure amie Bougnan. Leurs progénitures ne
leurs cachant pas non plus leurs secrets et brûlants désirs de se lancer dans la
traversée de l’atlantique comme d’autres, pour une hypothétique vie dorée, elles n’hésiteront
pas à tout mettre en œuvre pour réussir le pharaonique projet. Ce faisant,
Bougnan et Arame étaient loin de s’imaginer qu’elles écrivaient ainsi les
lignes de leurs tristes, douloureuses et illusoires histoires.
Même si Issa et Lamine ont bénéficié de la clémence divine
pour être secourus par les garde-côtes Espagnols, leur vie en Europe ne sera
pas l’Eldorado dont ils s’étaient toujours nourrit l’esprit avant leur voyage.
D'ailleurs, leurs chemins sinueux faits de hauts et de bas en Europe, finiront
par les séparer, ouvrant à chacun une perspective de vie et de vue différente. On
ne revient pas toujours comme on part. Issa et Lamine ont traversé l’atlantique
sur la même pirogue pour rejoindre l’Espagne ; ils ne reviendront pas de
la même manière sur la terre qui les a vu naître.
A côté de Arame et Bougnan, il y a aussi Coumba et Daba, deux jeunes femmes piégées par leurs amours de jeunesse. Alors
que la première, Coumba, aura eu le bref privilège de partager avec son homme, la chambre de ce dernier avant qu'il ne parte pour l’aventure; la deuxième, marié « par
procuration », ne connaîtra les nuits torrides dont se glorifie toute
jeune épouse à la poitrine bombée, que dans son imagination. Liées par l’amitié
de leurs belles-mères, Coumba et Daba expérimenteront des infortunes
différentes. A travers la vie de ces deux jeunes femmes, l’auteur décrit bien les
plaisirs inassouvis et les douleurs inavoués des femmes attendant leurs époux
partis à l’aventure. Ses amours absents et souffre-douleurs qui, ayant rempli
le cœur des jeunes pucelles, font la guerre aux bonnes meurs. Coumba et Daba,
dans l’attente du retour de leurs biens aimés, passeront des nuits blanchies
par un espoir sombre.
Qu'ai je pu retenir de ce roman?
Dans ce livre, Fatou Diome traduit très bien l’imperceptible vide
que laissent tous ces jeunes vaillants africains qui partent à la recherche d'un soit disant bonheur en laissant leurs familles, quelquefois complices, dans une douleur
silencieuse. Encore si ce n’était que la famille qui en souffrait; la société
elle aussi en pâtit. Son texte est non seulement une mise en garde destinée
aux futurs candidats à l’immigration clandestine ; mais aussi, une
invitation à une prise de conscience de la jeunesse africaine qui croit
toujours que l’herbe est plus verte chez le voisin sans oublier d'interpeller les dirigeants sur les questions de politiques africaines.
J’ai aimé lire « Celles qui attendent » de Fatou
Diome et je recommande fortement ce roman.
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