30/11/2018

UN INSTANT DANS LE VENT By ANDRE BRINK


Elisabeth est l’épouse de M Erik Larsson, un suédois passionné de la nature. Malgré l’opposition de sa mère, Elisabeth décide de partir en expédition avec son mari le lendemain de leur mariage.

Adam est un esclave noir. Il a fui le Cap après avoir refusé d’obéir à son maître qui lui demandait de fouetter sa propre mère, elle aussi esclave. Dans sa fuite, il tuera un autre esclave. Dès lors, il passera ses jours et ses nuits dans la brousse dans l’intérieur de l’Afrique du Sud espérant, un jour retourner sur les terres de ces ancêtres.

Nous sommes au 18ème siècle, dans une Afrique du Sud sous mandat britannique. Pour se déplacer, pas de véhicules à moteur comme aujourd'hui mais
des chariots tirés par des bœufs et, pour les plus nantis, des chevaux. Il n’y a pas de téléphone pour communiquer. Les blancs sont les maîtres et les noirs, les esclaves. C’est dans ce contexte que l’expédition de M et Mme Larsson quitte le Cap en Afrique du Sud, pour une longue exploration dans les terres intérieures. L’expédition est alors composée de 2 chariots, 32 bœufs, 40 chevaux, 8 chiens, 15 poulets, 6 esclaves (des porteurs), un guide.

Très tôt, Elisabeth sera déçue de son mariage lorsqu'elle se rend compte que son mari ne lui consacre que très peu de temps, préférant s’adonner à sa passion à savoir les animaux et les plantes. Par la suite, l’expédition sera confrontée aux aléas climatiques et surviendra un désastre. Le guide mourra, des « pirates » emporteront une bonne partie de la cargaison, les esclaves s’enfuiront et M Erik Larsson disparaîtra laissant la jeune mariée, seule dans la nature. Alors qu’elle se pose encore des questions sur la disparition de son mari, apparaît Adam, qui se présente comme un sauveteur. Au début, Elisabeth se méfie, ayant appris à ne jamais faire confiance à un esclave. Plus tard, les deux personnes se découvrent un même objectif : retrouver la Mer, le Cap. Mais qui sera le maître pour conduire ce voyage ? Plusieurs fois, Elisabeth essaie de s’imposer en considérant qu’Adam n’est qu’un noir donc un esclave qui doit lui obéir. Adam quant à lui, réclame sa liberté et veut être celui qui dirige les affaires en tant que l’homme, capable d’apprivoiser  la forêt, en l’absence d’Erik Larsson, le mari de la jeune blanche.
Dans ce contexte conflictuel de leur périple vers la mer, vers la terre promise, Elisabeth sera partagée entre l’espoir de retrouver son mari qu’elle espère encore vivant, et l’amour inacceptable qui commence à poindre dans son cœur pour l’esclave noir. Et lorsque le duo découvre au bout d'une  longue marche, le corps de M Erik Larsson, Elisabeth finit par espérer vivement que ce sentiment qu’elle ressent pour l’esclave Adam soit partagé. Pourtant ce dernier se montre très indifférent souhaitant faire d’Elisabeth un instrument d’échange contre sa liberté dès qu’ils parviendront au cap. Ils finiront néanmoins par accepter inacceptable amour longtemps reprouvé, et s’en délecteront jovialement dans cette nature sauvage.
Par la suite, Elisabeth et Adam affronteront ensemble le climat humide du continent sud-Africain, les bêtes sauvages, les grandes eaux, les orages, les tempêtes etc. Visant toujours la mer, ils continueront à s’encourager mutuellement, à se surpasser mais aussi à se quereller, à se séparer et à se retrouver.
Mais le chemin qui mène à la terre promise est toujours parsemé d’épreuves de tout genre. Ainsi seront-ils confrontés à la sécheresse, à la soif et à la faim à l’intérieur des terres Sud-Africaines. Ils se nourriront quelques fois de n’importe quoi à n’importe quel prix. La nature téméraire les poussera jusqu'au bout de leur dernier effort. Et lorsqu'au bord du désespoir, ils s’abandonneront à la mort, la providence mettra sur leur chemin une bande de voyageurs venant du cap. Cette rencontre inattendue boostera leur instinct de survie. Et lorsqu'ils reprennent le chemin, c’est bien leur amour passionné qui sera mis à rude épreuve. Adam doute fort que l’amour entre un esclave noir et une blanche soit possible lorsqu'ils parviendront au cap. Cependant, Elisabeth croit dur comme fer qu’elle n’abandonnera pas Adam et que leur amour subsistera. La fin de l’histoire est simplement inattendue.

« Un instant dans le Vent » est un hymne à la nature. L’auteur André Brink révèle la générosité et la dangerosité de la nature. La nature qui ne trahit pas mais qui peut être aussi rebelle. Cette nature souvent méchante qui a tout volé à Elisabeth et Adam, leur a aussi donné les ressources pour survivre et poursuivre leur voyage. Ce livre est aussi un hymne à l’amour. L’amour pur qui n’a pas de couleur et qui ne comprend pas le langage humain souvent flétri par des considérations égoïstes.  Cet amour inattendu qui peut nous surprendre n’importe où, comme l’a chanté le groupe Zouglou ivoirien Espoir 2000 : « Que tu le croises à l’Ivoire ou au marché d’Adjamé, l’amour a toujours le même visage». Eh bien, cet amour-là, Elisabeth l’a croisé à l’intérieur des terres de l’Afrique du Sud, dans un contexte où le clivage racial est très prononcé, et il était toujours pur.

J’ai lu « Un instant dans le vent » et je l’ai trouvé poétique à plusieurs endroits par la manière dont l’auteur décrit la nature. Je l’ai trouvé aussi philosophique par les dialogues entre Adam l’esclave et Elisabeth la blanche. Ce livre nous emmène à réfléchir sur la manière dont nous percevons l’autre qui est différent de nous. Il donne aussi à réfléchir sur notre relation avec la nature végétale et animale. Mais au-delà de tout, c’est une histoire d’amour entre une femme blanche et un esclave noir.

Même si j’ai entièrement apprécié ma lecture, je dois avouer que cela n’a pas été aisé au départ. Primo le style de l’auteur. En plus de la narration du récit, l’auteur vous plonge dans les pensées silencieuses des personnages principaux en vous faisant vivre leurs doutes, leurs craintes, et en vous révélant leurs sentiments. Il m’a fallu parcourir plusieurs pages pour comprendre ces tournures. Secundo, le découpage. Nous sommes habitués aux livres découpés en chapitres. Et je suis personnellement à l’aise lorsque les chapitres sont courts tels que les livres de Véronique Tadjo. Cela facilite beaucoup la lecture. Mais avec « Un instant dans le vent », il n’y a pas de chapitres. A la rigueur on dirait que le livre est subdivisé en 4 parties marquées par des sauts de pages. Une première partie allant de la page 13 à la page 21 (introduction) ; une deuxième partie allant de la page 23 à la page 142 (La rencontre entre Adam l’esclave et Elisabeth la blanche) ; une troisième partie allant de la page 143 à la page 190 (l’amour à fond) et la dernière partie allant de la page 191 à la page 320 (doutes et espoirs). Hors mis cet aspect, le livre est posé et offre une belle romance dans une nature sauvage.

Je ne suis pas certain qu’on puisse encore trouver ce livre dans nos librairies. En tout cas, la version que je viens de lire a été éditée par Le Cabinet Cosmopolite des Editions Stock, au 3ème trimestre 1978. Je l’ai acheté dans une librairie-par-terre dans la commune de Yopougon en Mars 2018. Pendant la lecture je me suis rendu compte qu’il avait perdu déjà 3 feuilles (6 pages) ; si vous souhaitez donc le lire, je suis prêt à vous le prêter avant qu’il ne perde toutes ses pages. Faites-moi signe si vous êtes intéressé.

Pour finir, je voudrais vous présenter une situation vécue par Elisabeth et Adam sur leur chemin vers la mer:
A bout de force, crasseux, affamés et assoiffés, Elisabeth et Adam, qui se proclament désormais comme mari et femme dans cette nature sauvage, parviennent à la ferme d’un homme blanc. La femme du fermier est enceinte. Le couple reçoit les voyageurs à bras ouvert. Alors qu’Elisabeth hésite à présenter Adam comme son conjoint, le fermier qui considère Adam comme l'esclave d'Elisabeth, oriente ce dernier dans l’arrière-cour où sont logés les autres esclaves. Pendant ce temps, Elisabeth se voit offerte une bonne douche dans la chambre du couple. Au dîner, Elisabeth est à table avec le couple et Adam prend son repas en compagnie des autres esclaves de la maison. La nuit venue, en présence de sa femme, le fermier blanc demande à Elisabeth de se déshabiller avant de se mettre au lit avec lui. La femme du fermier voulait s’y opposer mais elle fut réduite au silence par son mari. Que feriez-vous à la place d’Elisabeth sachant qu'Adam auprès de qui elle s'est engagée par la parole est de l'autre côté de la maison?



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