Après que
j’ai découvert la Librairie BAH dans la capitale malienne, c’est dans la
supérette d’une station d'essence au quartier ACI 2000 à Bamako que j’ai dû me faire
surprendre par un rayon dédié aux livres. J’avais été tellement heureux de découvrir
cette petite librairie dans une station, je n’ai pas pu résister à
l’achat d’un livre : « Co-épouses et Co-veuves » de Adrienne
Yabouza.
Il faut
dire qu’avant d’acheter ce livre, je n’avais jamais entendu parler de cette
auteure. Je voulais juste ne pas sortir de la supérette sans avoir pris un livre ce jour-là. J’avais donc choisi le livre qui, à mes yeux,
constituait une découverte. En effet, ce serait la première fois que je lise un auteur Centrafricain et la première fois aussi que je lise un livre qui
parle de la Centrafrique, un pays dans lequel j’avais déjà effectué deux
missions successives en 2015 et 2016.
A vrai
dire, si le titre « Co-épouses et co-veuves » indique de prime à
bord une polygamie (coépouses), je me suis demandé si le livre parlerait de
coépouses qui deviendraient veuves ou s’il serait question d’une affaire de deux
groupes de femmes à savoir des coépouses d’un côté et des veuves de l’autre. Et
vous, qu’aurait suscité ce titre en vous ?
En tout
cas, il m’aura fallu cinq mois pour finalement découvrir ce qu’Adrienne Yabouza
cachait derrière ce titre. Diomandé Mélama ne disait pas faux lorsqu'il
écrivait et je cite : « les livres sont des amis fidèles…Vous pouvez
passer plusieurs années sans les toucher. Mais ils sont toujours prêts à vous
donner beaucoup de plaisir dès que vous les ouvrez. » Ce livre qui est
resté dans ma bibliothèque depuis le mois de septembre 2018, ce livre que j’ai
maintes fois touché sans prendre la décision de lire, ce livre compagnon silencieux pouvait être frustré et
sa frustration aurait été légitime. Mais voilà, dès que je l’ouvre 5 mois plus
tard, ce 05 février 2019 à l’occasion de ma mission au pays de la Téranga, il n’hésite
pas à me procurer du plaisir, me faisant même oublier que j’étais dans les
airs.
Imaginez un
instant que deux femmes, vivant paisiblement avec leur époux, perdent ce
dernier de façon inattendue. Supposons que vous êtes la première femme du
défunt, et que vous êtes légalement mariée à ce dernier, qu’auriez-vous fait
dès l’annonce de ce décès ?
Je suis convaincu
que certaines se battraient corps et âmes contre leur coépouse pour garder l’héritage
marital. D’autres iraient même jusqu’à désavouer leur coépouse en s’alliant à
la belle-famille afin d’être comptées parmi les bénéficiaires de la succession.
De nos jours, le décès subit d’un mari n’engendre-t-il pas un conflit soit entre
les coépouses soit entre la famille de l’épouse légalement mariée et sa belle-famille ?
La femme non mariée ne s’en sortirait-elle pas entièrement perdante ?
Pourtant, Adrienne
Yabouza nous surprendra avec l’histoire de Ndongo Passy et Grekpoubou (les
coépouses) et leur époux Faustin Lidou.
Ndongo
Passy c'est la première femme légalement mariée à Faustin Lidou. Grekpoubou est
sa deuxième épouse. Faustin aime ses deux conjointes et le temps n’a eu aucun
effet sur leurs idylles. Les deux épouses, Ndongo Passy et Grekpoubou sont heureuses auprès de Lidou et ne ressentent ni jalousie ni rivalité. Au
contraire, profitant chacune de deux nuits consécutives par semaines, dans le
lit et aux bras de l’être aimé, elles vivent pleinement leur relation conjugale.
La complicité qui les anime dans le quartier ferait même croire qu’elles sont des
sœurs.
Un matin, au sortir d’une
nuit durant laquelle le coq Lidou s’inquiéta de n’avoir pas sexuellement satisfait une
de ses femmes, il s’empressa alors de trouver des aphrodisiaques capables
de booster sa compétitivité nuptiale afin d'envoyer ses poules au septième ciel.
Mais voilà que le
dimanche de cette semaine durant laquelle Lidou bouscula ses deux femmes comme un
fauve, grâce bien sûr à l'effet des substances électrisantes spécialement préparées pour lui, l’homme
d’affaire entrepreneur accueillit la mort pendant que ses deux épouses célébraient la vie à l’église.
Ce décès brusque déclenchera un processus d’expropriation engagé par la belle famille. Le
frère du défunt, Zouaboua, qui viendra récupérer le corps de Lidou, profitera de
son passage pour condamner la chambre du mort et celles de ses deux femmes. Il
emportera les clés dans l’espoir de revenir ramasser les affaires qui s’y
trouvent. A la morgue Zouaboua corrompt le médecin afin que celui-ci émette un
certificat de décès indiquant que Lidou est mort par empoisonnement. Le plan de Zouaboua était de déposséder les deux épouses de son frère et les jeter à la
rue. Cependant, si en corrompant à nouveau le juge, Zouaboua gagne le procès de
l’affaire Ndongo Passy contre la succession Lidou, les deux femmes n’en sortent
pas totalement perdantes. En effet, armée de son courage et ayant soupçonné la supercherie,
la première épouse brisera les portes des chambres à l’aide d’une hache ;
et elle et sa coépouse s’empareront de leurs biens ainsi que des biens de valeur
de leur défunt mari y compris les fortes sommes d’argent que Ndongo Passy avec
découvert dans les tiroirs du défunt.
Malgré tout, la prison, les railleries et les
bastonnades orchestrées par Zouaboua avec l’appui de la belle-famille ne
contribuèrent qu’à renforcer davantage l’amitié des deux coépouses. Elle ne se séparèrent plus et gardèrent de très bons contacts même après avoir été chassées de la concession de leur mari. Ainsi, lorsque par
la force des choses, Yamssa, un richissime musulman demandera la main de Ndongo
Passy, celle-ci n’acceptera le mariage qu’à condition que son futur époux consent à ce
que Grekpoubou habite sous leur toit.
Le roman « Co-épouse
et co-veuves » est une écriture simple, facile à lire et riche de mots
empruntés au langage de la rue de Bangui. En effet, les faits se déroulent à Bangui en 2011, pendant les élections présidentielles qui ont précédé la crise survenu quelques années plus tard en Centrafrique et opposant Seleka (milice armée à majorité musulmane) et Anti-Balaka (composée de chrétiens et d'animistes).
Après la
lecture de ces 167 pages que j’ai parcouru d’un seul trait pendant le vol reliant Abidjan à l’aéroport Blaise Diagne au Sénégal, j'ai pu percevoir 3 messages clés:
- Etre femmes d’un même homme ne signifie pas forcément être rivales. Dans certaines circonstances, l’union triomphera des plus sombres manœuvres des méchants
- La corruption est une source d’injustice et il convient de la bannir de notre société. Toutefois, les grosses affichent et pancartes anti-corruption ne changeront pas grandes choses dans la vie du peuple si les autorités elles-mêmes, y compris les hommes de loi, ne donnent pas l’exemple.
- La religion n’a jamais été un problème dans la société africaine. Les soient disant conflits entre chrétiens et musulmans que l’on soulève parfois n’existent en réalité que pour ceux à qui les crises profitent. Faisons donc attention à la haine religieuse;
Je vous
encourage à lire « Co-épouses et co-veuves » d'Adrienne Yabouza pour
vous faire aussi une idée personnelle de cet attachant roman. Je ne suis pas parvenu à m'en détacher dès que je l’ai ouvert. Il comporte un brin d’humour et beaucoup
d’amour autour de problèmes qui menacent encore et toujours notre société
contemporaine.
Merci et au
prochain compte rendu…
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