Possédez-vous dans votre famille
un objet ou un signe qui s’est transmis ou qui se transmet de génération
en génération pour marquer votre appartenance à cette famille ? Si vous croisiez une personne alors
que vous êtes en voyage dans un pays lointain, comment sauriez-vous que vous
que cette personne fait ou ne fait pas partie de votre lignée ? Connaissez-vous
l’histoire de votre famille, de votre tribut ou de votre village tout
simplement ? Voici autant de questions que nous pourrions nous poser en
lisant « No Home » de Yaa Gyasi. L’histoire de la descendance de
Maame.
Ce livre, je l’ai acheté lors de
mon dernier passage à Abidjan. Ayant fait un tour à la librairie, j’ai voulu lire
un livre dont l’auteur me serait totalement inconnu. Mais un livre qui parlait
de l’Afrique. J’ai donc choisi Yaa Gyasi dont le nom me paraissait asiatique.
Nous sommes entre le 18ème
et le 20ème siècle. Sur la côte Ouest africaine dans un pays
anglophone : La Gold Coast. C’est là que débute l’histoire et c’est aussi là
qu’elle se terminera.
Au 18ème siècle, dans
une Afrique de l’ouest plongée dans la vente des esclaves, nous apprenons
comment des villages se font la guerre pour avoir de la domination et faire de
leurs adversaires des esclaves qu’ils vendaient ensuite aux colons. On se dit
alors que l’homme est réellement un loup pour l’homme. Mais surtout, on
comprend que ce n’est pas aujourd'hui que l’Afrique a commencé à « vendre »
ses propres enfants. Nous aurons beau accuser les colons, à la lumière de ce
livre, nous finissons par nous convaincre que l’esclavage a été boosté par les
noirs eux-mêmes. Bref, que chacun lise pour se faire sa propre idée.
Tout commence alors au milieu du
18ème siècle, au pays Fanti. Pendant une nuit d’un incendie ravageur
d’origine inconnue, Effia, née d’une relation entre Cobbe et sa servante Maame,
sera abandonnée dans une case par sa mère. La mère, prenant la fuite, laissera
un collier de pierre noire au cou du bébé. Effia sera donc par la suite éduquée
par la femme de son père, Baaba. Parvenue à l’âge de puberté, Effia sera convoitée
par le futur chef du village. Mais Baaba, femme de son père, voulant la déshonorée,
mis en place un subterfuge pour que la jeune Effia soit vendue aux colons
britanniques comme esclave. Et son plan fonctionna. Effia fut vendue au tout
nouveau gouverneur du Ford de la Gold Coast, Monsieur James. Celui-ci en fit sa
maîtresse puis sa femme. Elle passera donc le fort de sa vie au Ford.
Entre temps, la femme servante
Maame, mère d’Effia, fuyarde du pays Fanti, se retrouvera plus tard être la
femme d’un Grand Homme au pays Ashanti. Dans sa seconde noce, au pays Ashanti,
Maame met au monde une autre fille prénommée Esi. Par un concours de circonstance
malheureuse, Esi se retrouvera esclave au Ford de la Gold Coast. Lors du transfert
de Esi vers le Ford, Maame lui donnera encore un collier de pierre noire. Esi, promise
à la vente, demeurera aussi au Ford ; mais dans le cachot avec sa pierre
noire comme souvenir maternelle.
Effia et Esi, deux demi-sœurs, ne
se rencontreront jamais, bien que vivant sur le même site : le Ford de la
Gold Coast. Plus tard, Esi sera transportée en Amérique alors qu’elle porte en
elle la semence d’un soldat anglais inconnu. Effia tombera enceinte de James le
gouverneur du Ford et apprendra à lire et à écrire.
L’histoire de la descendance de Effia
se déroulera entre le pays Fanti et le Pays Ashanti dans la Gold Coast. Celle
de la descendance de Esi se déroulera dans l’Amérique de la ségrégation
raciale.
De générations en générations, Yaa Gyasi, à travers la
descendance de Effia, nous fait vivre la culture et les croyances des tributs de
la Gold Coast avec ses guerres tribales et ses alliances de paix. On y découvre
surtout comment le mariage était utilisé comme moyen pour créer la stabilité
entre les peuples. A travers la descendance de Esi en Amérique, l’auteur décrit
l’impact de la ségrégation raciale et la souffrance des noirs. Les deux lignées
de Maame, vivront séparément, l’une ignorant l’existence de l’autre, dans deux
mondes différents.
D'un côté, Effia, la fille née du
feu, vivra constamment sous l’influence négative du feu. En bonne Africaine,
les membres de cette lignée se transmettront l’histoire de la famille en
utilisant le collier de la petite Effia comme un témoin dans une course de
relais jusqu'à Marjorie.
De l’autre côté, Esi, la fille
esclave vendue en Amérique, connaîtra la douleur de la séparation et la
division familiale. Elle ne réussira pas réellement à transmettre l’histoire de
leur famille constamment amputée, jusqu'à Marcus.
Alors, quand Marjorie, américaine
par le droit du sol, descendante d’Effia, rencontre Marcus, Américain libre,
dernier né de la descendance de Esi, le lecteur se dit que tout pourrait
arriver. Mais, pour Yaa Gyasi, auteur de « No Home », le lien de sang
parle autrement, même après plusieurs générations.
L’histoire de la descendance de
Maame, racontée par Yaa Gyasi, est un plein d’émotions vécu pendant près de 3 siècles
que l’auteur a concentré dans 468 pages. Le livre est rapide est se concentre
sur l’essentiel. J’ai eu des frissons mais aussi de la colère. Il y a très peu
de moment de joie. Par contre, il est d’une grande richesse culturelle et
historique aussi pour les pays Ashanti et Fanti que pour l’Amérique ségrégationniste.
J’ai personnellement adoré ce
livre et je reste encore marqué par plusieurs images comme celle de Esi dans le
cachot du Ford de la Gold Coast, la fuite de l’esclave Ness pourchassée par les
chiens comme une meurtrière, la souffrance de Abena trahi par son amant, la vie
de Jo dans les mines de charbons, le rejet de la femme folle, etc. Au-delà de
toutes ces images, c’est la puissance de la transmission orale de l’histoire
familiale qui impressionne dans la descendance de Effia. Contre vent et marrées,
chaque descendant ne voulait pas que la génération suivante ignore ses
origines. La transmission du collier fut une preuve non seulement, de ce désir de
prouver d’où on vient et ou on va mais aussi de se trouver et savoir qui nous
sommes où que nous soyons. Même si cela a été peu expressif dans la lignée de Esi ;
celle-ci ayant dès le départ perdu l’autre pierre noire offerte par Maame
lorsqu'elle était au cachot. Toutefois, cela n’a pas empêché les descendants de
Esi d’assumer leur racine.
Il faut à tout prix lire ‘’No
Home’’ c’est alors que tu pourras te rendre compte que : « Il y a des gens qui ont fait du mal parce
qu’ils ne pouvaient pas en voir les conséquences…Le mal attire le mal. Il
grandit. Il se transforme, et parfois tu ne vois pas que le mal dans le monde a
débuté par le mal dans ton propre foyer. » p.330.
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