24/09/2018

NO HOME by Yaa Gyasi



Possédez-vous dans votre famille un objet ou un signe qui s’est transmis ou qui se transmet de génération en génération pour marquer votre appartenance à cette famille ? Si vous croisiez une personne alors que vous êtes en voyage dans un pays lointain, comment sauriez-vous que vous que cette personne fait ou ne fait pas partie de votre lignée ? Connaissez-vous l’histoire de votre famille, de votre tribut ou de votre village tout simplement ? Voici autant de questions que nous pourrions nous poser en lisant « No Home » de Yaa Gyasi. L’histoire de la descendance de Maame.

Ce livre, je l’ai acheté lors de mon dernier passage à Abidjan. Ayant fait un tour à la librairie, j’ai voulu lire un livre dont l’auteur me serait totalement inconnu. Mais un livre qui parlait de l’Afrique. J’ai donc choisi Yaa Gyasi dont le nom me paraissait asiatique.

Nous sommes entre le 18ème et le 20ème siècle. Sur la côte Ouest africaine dans un pays anglophone : La Gold Coast. C’est là que débute l’histoire et c’est aussi là qu’elle se terminera.

Au 18ème siècle, dans une Afrique de l’ouest plongée dans la vente des esclaves, nous apprenons comment des villages se font la guerre pour avoir de la domination et faire de leurs adversaires des esclaves qu’ils vendaient ensuite aux colons. On se dit alors que l’homme est réellement un loup pour l’homme. Mais surtout, on comprend que ce n’est pas aujourd'hui que l’Afrique a commencé à « vendre » ses propres enfants. Nous aurons beau accuser les colons, à la lumière de ce livre, nous finissons par nous convaincre que l’esclavage a été boosté par les noirs eux-mêmes. Bref, que chacun lise pour se faire sa propre idée.

Tout commence alors au milieu du 18ème siècle, au pays Fanti. Pendant une nuit d’un incendie ravageur d’origine inconnue, Effia, née d’une relation entre Cobbe et sa servante Maame, sera abandonnée dans une case par sa mère. La mère, prenant la fuite, laissera un collier de pierre noire au cou du bébé. Effia sera donc par la suite éduquée par la femme de son père, Baaba. Parvenue à l’âge de puberté, Effia sera convoitée par le futur chef du village. Mais Baaba, femme de son père, voulant la déshonorée, mis en place un subterfuge pour que la jeune Effia soit vendue aux colons britanniques comme esclave. Et son plan fonctionna. Effia fut vendue au tout nouveau gouverneur du Ford de la Gold Coast, Monsieur James. Celui-ci en fit sa maîtresse puis sa femme. Elle passera donc le fort de sa vie au Ford.

Entre temps, la femme servante Maame, mère d’Effia, fuyarde du pays Fanti, se retrouvera plus tard être la femme d’un Grand Homme au pays Ashanti. Dans sa seconde noce, au pays Ashanti, Maame met au monde une autre fille prénommée Esi. Par un concours de circonstance malheureuse, Esi se retrouvera esclave au Ford de la Gold Coast. Lors du transfert de Esi vers le Ford, Maame lui donnera encore un collier de pierre noire. Esi, promise à la vente, demeurera aussi au Ford ; mais dans le cachot avec sa pierre noire comme souvenir maternelle.

Effia et Esi, deux demi-sœurs, ne se rencontreront jamais, bien que vivant sur le même site : le Ford de la Gold Coast. Plus tard, Esi sera transportée en Amérique alors qu’elle porte en elle la semence d’un soldat anglais inconnu. Effia tombera enceinte de James le gouverneur du Ford et apprendra à lire et à écrire.

L’histoire de la descendance de Effia se déroulera entre le pays Fanti et le Pays Ashanti dans la Gold Coast. Celle de la descendance de Esi se déroulera dans l’Amérique de la ségrégation raciale.
De générations  en générations, Yaa Gyasi, à travers la descendance de Effia, nous fait vivre la culture et les croyances des tributs de la Gold Coast avec ses guerres tribales et ses alliances de paix. On y découvre surtout comment le mariage était utilisé comme moyen pour créer la stabilité entre les peuples. A travers la descendance de Esi en Amérique, l’auteur décrit l’impact de la ségrégation raciale et la souffrance des noirs. Les deux lignées de Maame, vivront séparément, l’une ignorant l’existence de l’autre, dans deux mondes différents.

D'un côté, Effia, la fille née du feu, vivra constamment sous l’influence négative du feu. En bonne Africaine, les membres de cette lignée se transmettront l’histoire de la famille en utilisant le collier de la petite Effia comme un témoin dans une course de relais jusqu'à Marjorie.
De l’autre côté, Esi, la fille esclave vendue en Amérique, connaîtra la douleur de la séparation et la division familiale. Elle ne réussira pas réellement à transmettre l’histoire de leur famille constamment amputée, jusqu'à Marcus.

Alors, quand Marjorie, américaine par le droit du sol, descendante d’Effia, rencontre Marcus, Américain libre, dernier né de la descendance de Esi, le lecteur se dit que tout pourrait arriver. Mais, pour Yaa Gyasi, auteur de « No Home », le lien de sang parle autrement, même après plusieurs générations.

L’histoire de la descendance de Maame, racontée par Yaa Gyasi, est un plein d’émotions vécu pendant près de 3 siècles que l’auteur a concentré dans 468 pages. Le livre est rapide est se concentre sur l’essentiel. J’ai eu des frissons mais aussi de la colère. Il y a très peu de moment de joie. Par contre, il est d’une grande richesse culturelle et historique aussi pour les pays Ashanti et Fanti que pour l’Amérique ségrégationniste.

J’ai personnellement adoré ce livre et je reste encore marqué par plusieurs images comme celle de Esi dans le cachot du Ford de la Gold Coast, la fuite de l’esclave Ness pourchassée par les chiens comme une meurtrière, la souffrance de Abena trahi par son amant, la vie de Jo dans les mines de charbons, le rejet de la femme folle, etc. Au-delà de toutes ces images, c’est la puissance de la transmission orale de l’histoire familiale qui impressionne dans la descendance de Effia. Contre vent et marrées, chaque descendant ne voulait pas que la génération suivante ignore ses origines. La transmission du collier fut une preuve non seulement, de ce désir de prouver d’où on vient et ou on va mais aussi de se trouver et savoir qui nous sommes où que nous soyons. Même si cela a été peu expressif dans la lignée de Esi ; celle-ci ayant dès le départ perdu l’autre pierre noire offerte par Maame lorsqu'elle était au cachot. Toutefois, cela n’a pas empêché les descendants de Esi d’assumer leur racine.

Il faut à tout prix lire ‘’No Home’’ c’est alors que tu pourras te rendre compte que : « Il y a des gens qui ont fait du mal parce qu’ils ne pouvaient pas en voir les conséquences…Le mal attire le mal. Il grandit. Il se transforme, et parfois tu ne vois pas que le mal dans le monde a débuté par le mal dans ton propre foyer. » p.330.


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